La Prime Macron avait rencontré un vif succès l’année dernière, notamment dans les TPE. Elle était en effet attractive (car socialement et fiscalement exonérée) et facile à mettre en place (collective, objective et limitée à 1000€ et pour les salariés touchant moins de 3x le SMIC).
Elle a été présentée comme une réponse à la grogne des Gilets Jaunes mais elle a aussi été vue par de nombreux employeurs comme un moyen de récompenser des salariés qui s’étaient impliqués durant toute l’année, malgré une conjoncture morose et notamment une fin d’année difficile commercialement du fait des mouvements sociaux, récompense dont le Gouvernement acceptait de partager le coût en renonçant aux cotisations et à l’impôt.
Pour 2020 cependant, la reconduction de la prime Macron est plus compliquée qu’annoncé. Pour en bénéficier, les Entreprises doivent mettre en place un accord d’intéressement.
NB : La Loi de Financement de la Sécurité Sociale a été définitivement adopée. Cependant, elle fait encore l’objet d’un recours devant le Conseil Consitutionnel.
Qu’est-ce qu’un accord d’intéressement ?
Ces accords de négociation collective permettent d’associer les Salariés aux résultats de l’entreprise, en leur reversant une prime d’intéressement avantageuse socialement.
Les montants versés sont exonérés de toutes cotisations sociales, excepté la CSG-CRDS.
Ils sont cependant imposables à l’impôt sur le revenu sauf si l’entreprise a mis en place un dispositif d’épargne salariale (prime versée sur un compte bloqué et non disponible immédiatement).
Pourquoi l’accord d’intéressement va être un obstacle pour le versement de la Prime Macron ?
Rares sont les TPE et petites PME à avoir mis en place un tel accord pour des raisons administratives, comptables et managériales.
Sa mise en place est liée à une procédure administrative supplémentaire, lourde pour une TPE-PME et qui représente un coût :
Rédaction et Négociation d’un accord pour une durée de 3 ans (exceptionnellement, pour 2020 et la prime Macron, l’accord pourra être de 1 an) ;
Qui définit dès le départ des critères objectifs liés aux résultats futurs de l’entreprise afin de fixer une somme qui sera redistribuée tous les ans aux salariés selon une grille de répartition fixée à l’avance ;
Accord qui doit être ratifié par les 2/3 des salariés (peu de TPE ayant des institutions représentatives du personnel) ;
Communiqué aux syndicats représentatifs ;
Déposé à la DIRECCTE ;
Dans des délais stricts, sous peine de voir les exonérations remises en cause en cas de contrôle.
D’un point de vue économique, l’intangibilité de ce calcul peut inquiéter un chef de petite entreprise. Habituellement, la prime est calculée sur les résultats de l’entreprise.
Or, économiquement, le résultat d’une entreprise ne présume pas de sa situation de trésorerie. Ainsi, qu’adviendra-t-il si l’entreprise génère un résultat mais doit faire face au remboursement d’un nouvel emprunt lourd lié à un investissement indispensable au maintien de l’activité ? ou si les indices du marché se tendent et laissent présager d’années à venir où la « mise en réserves » du résultat aurait été plus pertinente ?
Enfin, d’un point de vue managérial, l’accord est conclu pour une durée déterminée. Il peut donc en théorie ne pas être reconduit ou renégocié à la baisse si les premiers calculs étaient trop dépensiers ou si la conjoncture se tend.
C’est oublier le management direct de nombreuses TPE ou PME et la crispation des relations employeurs/salariés que pourrait créer un retour en arrière ou le durcissement des conditions d’attribution.
Conclusion
L’employeur qui souhaiterait fin 2019 récompenser son Equipe après une année commercialement et financièrement difficile (ralentissement de la croissance liée aux mouvements GJ début 2019 et fin d’année qui s’annonce très difficile) devra le faire avec des primes socialement et fiscalement soumises. Les deux parties seront perdantes.
Cet écueil financier n’est pas le plus difficile. Le chef d’entreprise devra aussi répondre à ses Salariés qui entendent partout que la prime Macron est renouvelée alors qu’ils n’en bénéficient pas.
Et c’est sans compter la position encore plus compliquée de l’employeur dont les salariés auront été informés qu’il refuse de verser la prime Macron car il s’oppose à la mise en place un accord d’intéressement qui leur permettrait pourtant de bénéficier d’un « partage des bénéfices ». La lutte des classes n’est pas loin dans une période socialement mouvementée.
Les effets d’annonce du Gouvernement sont des raccourcis qui oublient, comme souvent, la réalité des TPE françaises.